vendredi 24 août 2007

UN PAYS OU PRESQUE


2007, on le sait, est pour l'Inde et le Pakistan, l'année du 60em anniversaire de l'indépendance. Ce que l'on ignore, pour la plus pars d'entre nous, et pourtant cela se passe à nos frontières, c'est que le Land de Sarre, en Allemagne, fête le cinquantenaire de son "re"rattachement à la république fédérale.
Nous connaissons, en France, assez bien, pour la plupart, les vicissitudes de l'histoire qu'ont subi l'Alsace et la Moselle mais ignorons totalement l'histoire de la Sarre qui pourtant a connue le même sort. Toujours tiraillé entre la France et l'Allemagne au grès des victoires guerrières de l'un ou l'autre.
L'histoire et le temps laissent des traces et l'époque qui en a laissée le plus dans cette région est incontestablement la période de transition 1945/1957. Période pendant laquelle la Sarre est restée comme en sustentation au dessus de l'Europe avec, pour certains, ce rêve fou, d'un petit pays indépendant au coeur de l'union. Le rêve était beau mais les citoyens sarrois en ont décidés autrement.


HISTORIQUE

Pour ne pas m'étaler sur dix pages, je commence au XVIIIe siècle. N'étant pas historien, vous comprendrais que mon récit ne peut être qu'incomplet.

1792 la France, guidée par la révolution, commence à occuper la région de la Sarre. Dans le cadre de la réorganisation de l'administration du Land, selon le modèle français, les citoyens sont dotés de tous les droits civiques, ce qui signifiait également la fin de l'ancien régime en Sarre.
Suite à l'échec définitif de la révolution française en 1815, la majeure partie du Land passa sous l'autorité du royaume Prusse.
Poussé par des intérêts personnels, l'état prussien accéléra le passage d'un ordre social agraire et corporatif, vers une société industrielle capitaliste. Parallèlement, la population était déchue d'importants droits démocratiques.
Au début des années 1860 le problème de l'identité nationale envahit les débats publics et les positions anti-prussiennes du début laissèrent bientôt la place au nationalisme pro-gouvernemental. Ce sentiment fut à son apogée dans les années 1870/1871. La Prusse passait du statut de force d'occupation à celui de force de protection et le patriotisme, modéré à ses débuts, se transforma rapidement en nationalisme exagéré.
Entre la proclamation de l'empire Allemand et la première guerre mondiale, la Sarre connaît un essor économique régulier mais sans la démocratisation de la vie politique. La Prusse opprima toute ébauche de réforme politique et sociale par un carcan étatique efficace. Ce n'est qu'après l'abdication de l'empereur allemand et la proclamation de la république, le 9 novembre 1918, que les travailleurs et soldats prirent brièvement en main le pouvoir en Sarre et pour la première fois dans l'histoire de l'Allemagne, les femmes obtinrent le droit de vote.
Trois semaines plus tard cette tentative de démocratisation en Sarre fut étouffée par l'entrée des troupes françaises. Coupé à nouveau du reste de l'Allemagne et les droits démocratiques de la constitution de Weimar refusés aux sarrois.
Suite au traité de Versailles, l'identité de la Sarre était confirmée, faisant par la même naître, pour la première fois, un territoire politique unique que l'on a appelé la SARRE. Un statut régissant la zone industrielle sarroise entra en vigueur le 10 Janvier 1920, pour une période de 15 ans, sous la tutelle de la société des nations. Au terme de cette période, la population du "Territoire de la Sarre devait être consulté par le biais d'élections et se prononcer pour -Le statu-quo tel qu'il avait été établi, -Le rattachement à la France ou -La réintégration à l'Allemagne.
Durant toute l'existence de la société des nations, la France tente de renforcer son influence sur tous les domaines en Sarre. Couronnés de succès du point de vue économique, ses efforts échouèrent par contre dans les domaines de la culture et de l'enseignement et les idées nationalistes ne cessent de se propager en Sarre comme dans toute l'Allemagne. Malgré cela le NSDAP (parti nazi) pourtant présent en Sarre dés les années 20, ne jouait à cette époque qu'un rôle mineur en politique. Il se présente pour la première fois aux élections du CONSEIL du LAND en 1932 et n'obtint que 6,7% des voix.
Avec la nomination d'Adolf Hitler comme chancelier de l'empire et la fondation du régime national-socialiste en Allemagne, une époque de douloureux conflits commença aussi pour le territoire de la Sarre. Avec le soutient fourni par l'Allemagne hitlérienne, le NSDAP gagna rapidement en influence. Du fait de multiples manipulations, dans divers partis politiques présent en Sarre, le référendum de 1935 fut impitoyablement exploité comme leitmotiv de la campagne en faveur d'une décision pour l'Allemagne et contre la France. Cette stratégie contre le bon sens, complété par l'appel simultané d'émotions fut couronnée de succès. De plus quiconque s'engageant en faveur de la démocratie et contre le rattachement à l'Allemagne, était soumis à une énorme pression psychique et physique. Même les évêques de Trêve et de Spire soutenaient le rattachement. Les efforts du parti socio-démocrate auprès de la société des nations, en vue de repousser le référendum, restèrent vains.
90,4% des suffrages exprimés votèrent pour le rattachement. 8,8% seulement, votèrent pour le statu quo. Le 18 Janvier 1935, le Territoire de la Sarre fut rattaché au troisième Reich sur décision du conseil de la société des nations. Le premier "ANSCHLUSS donc.
Jusqu'en 1938 au moins 6000 sarrois prirent la fuite et luttèrent, pour la plupart, contre le fascisme et le national socialisme, en Espagne ou en France au sein de la résistance. Le 30 Janvier 1935, le territoire de la Sarre obtint le nom de "SARRLAND". L'extension du racisme conjugué à la terreur et l'omniprésence de la gestapo et des SS; Et de fait aussi la prospérité économique soutenue depuis 1938, contribua à ce que la population sarroise accepte et se soumette petit à petit à la dictature. En 1940, les derniers 134, des 4600 juifs, furent déportés et Bürckel annonça à Berlin que la Sarre était désormais "exempte de Juifs".
À partir du 6 Décembre 1944 la Sarre devint un champ d'opération et jusqu'au 21 Mars 1945, les forces armées Américaines occupèrent le territoire. La population se retrouvait dans un pays dévasté en grande partie.
Le 10 Février 1945, les alliés décidèrent d'accepter la France en tant que quatrième force d'occupation et le 10 Juillet l'armée américaine fut suppléée par les troupes françaises.
Selon la France, au niveau politique, la Sarre devait se séparer de l'Allemagne et obtenir un statut d'autonomie.
À partir du 15 Décembre 1947, la Sarre devient un territoire organisé de manière autonome, économiquement rattaché à la France.
Les années qui ont suivies la deuxième guerre mondiale ont eu la plus forte influence sur la prise de conscience et c'est à cette époque que la Sarre s'est frayée un chemin vers un état autonome basé sur un étroit alignement sur la France.
Au fil des années, plusieurs conventions franco-sarroises dotèrent le territoire d'une constitution propre ainsi que d'un parlement ayant une autonomie en matière de pouvoir législatif, administratif et de pouvoir judiciaire.
Le 9 Mars 1950, Konrad Adenauer, Chancelier fédéral, s'opposa aux votes et contenu des conventions franco-sarroise adoptées par le Landtag (parlement sarrois) le 4 Avril 1950, estimant que ces conventions renforceraient définitivement les liens de la Sarre à la France.
Les élections du 30 Novembre 1952 marquaient le début de la deuxième législature du Landtag. Le nouveau parlement pressa la France et l'Allemagne à conclure un nouveau contrat réglant les relations entre la Sarre et la France.
"Le Landtag voit dans la requête adressée aux gouvernements
français et allemand, les priant de bien vouloir entamer le plus
rapidement possible des négociations directes, un appel européen
à ces états, afin d'aplanir les voies pour la poursuite de la coopération européenne.
Nous n'avons cessé de dire que l'accord du peuple sarrois
à un statut européen représente une condition siné qua non afin de
garantir que ses intérêts soient pris en considération.
"
Jusqu'en Mai 1954 les négociations bilatérales resteront au point mort et les relations franco-allemandes furent toujours troublées par le problème sarrois. Le 23 Octobre 1954, Mendès-France et Adenauer ratifiait le traité de la Sarre franco-allemande, disposant en détail, du statut européen de la Sarre. Il était prévu de créer entre la France et l'Allemagne, un district ou un territoire européen en tant que siège des autorités européennes supranationales et un référendum sur le traité fut prévu. Le 8 Juillet, le Landtag adoptait la loi permettant la réalisation du référendum qui devait "Permettre à la population sarroise de prendre position sur le statut de la Sarre"
Le 23 Octobre 1955, 67,7% des suffrages exprimés se prononçaient contre le statut (malgré les recommandations du Chancelier Adenauer en faveur d'un vote "pour").
Suite au résultat du référendum, le ministre président de la Sarre démissionnait des ses fonctions et le 17 Décembre, le Landtag vota sa dissolution et annonça de nouvelles élections pour le 18 Décembre. La France, elle, se déclara prête à négocier le sort de la Sarre sous les nouvelles conditions, avec le gouvernement fédéral. Le nouveau Landtag issu des élections du 18 Décembre, se crut obligé "d'appliquer la volonté de la population et déclara:
"Le Landtag de Sarre affirme son intention ferme de mettre un terme à la séparation de la Sarre avec l'Allemagne. Au moment voulu, il prendra toutes les mesures en son pouvoir pour atteindre cet objectif"
L'article 60 fondamental de la constitution du Land de Sarre a été entièrement revu. Son contenu laisse supposer qu'un terme a été mis à l'histoire mouvementé de ce pays frontalier qui a subit de nombreux changements politiques, depuis la création du territoire de la Sarre, consacré par le traité de Versailles en 1919 jusqu'au 1er Janvier 1957; date du rattachement définitif à la République Fédérale d'Allemagne.
À compter de 1957 l'article 60 de la constitution sarroise fut le suivant:
"Le Land de Sarre est une démocratie libérale et un état de droit social au sein de la République Fédérale d'Allemagne"




Ainsi s'acheva le rêve fou de ce qui aurait pu être un petit pays indépendant appelé la Sarre. N'en reste néanmoins un Land qui de par son histoire et sa position géographique, reste profondément européen. Comme en Moselle voisine, l'industrie sidérurgique et le charbon ont fait sa richesse et cette même richesse fut la cause de ses malheurs.
Comme chez nous l'industrie a beaucoup souffert ces dernières décennies mais la Sarre a su s'adapter et profiter du développement culturel dont les bases ont été érigées justement pendant la période du rêve fou (1945/1957) et aujourd'hui Sarrebruck n'a rien à envier aux grandes métropoles européennes.
Reste cette question: Que serait l'Europe aujourd'hui si ce rêve se serait réalisé ?
Et en même temps, mais cela n'engage que moi, du fait de son histoire, la Sarre n'aurait-elle pas toute légitimité à prétendre accueillir les instances européennes qui se balancent entre Bruxelles et Strasbourg ?


LES ARMOIRIES DU LAND DE SARRE




-Écu écartelé d'azur semé de croisettes argentées au lion d'argent couronné d'or
-d'argent à croix de soliveaux rouges biseautés
-d'or à la bande de gueules chargée de trois alérions d'argent
-de sable au lion d'or couronné et armé de rouge
Tel est la description héraldique des armoiries du Land de Sarre.

Aucun commentaire: