J'aimerais aujourd'hui simplement reprendre une balle au bond lancé par le plus grand cinéphile de tout Paris qu'est Antoine, et je le fait d'autant plus volontiers que le sujet des cinémas indépendants d'art et d'essai me tient particulièrement à coeur. D'autant plus que mon séjour à Nancy cette année, m'a fait découvrir une salle à plus d'un titre formidable.
L'essentiel de mon article, je l'avoue, n'est pas le fruit de ma création , j'en serai bien incapable, mais tire sa source d'un tract distribué cet été par le
SCARE (
Syndicat des
Cinémas d'
Art de
Répertoire & d'
Essai). Après tout, pourquoi réécrire en moins bien ce qui est déjà fait.
Voilà donc:
Le rôle du secteur indépendant Art & Essai est essentiel pour le cinéma français :
Il est le garant du renouvellement des réalisateurs
Ce sont d'abord les cinémas indépendants d'Art & d'Essai qui font découvrir les films des nouveaux réalisateurs.Grâce à eux, aujourd'hui, Jacques Audiard, Robert Guédiguian, Benoît Jacquot, François Ozon, Olivier assayas (pour ne citer qu'eux) ... accèdent à tous les écrans et à un plus large public.
Ce sont eux, les cinémas indépendants d'Art & d'Essai, qui ont montré les films de Jacques Rivette et Michel Ocelot, des frères Larrieu, Raoul Ruiz, Philippe Garrel, Pascale Ferran etc., mais aussi les œuvres des cinéastes étrangers comme Pedro Almodovar, Wong Kar Waï, Takeshi Kitano, Ken Loach les frères Dardenne ou Ingmar Bergman, c'est à dire les plus grands.
Sans cinémas indépendants, le renouvellement des cinéastes ne peut se faire, et les distributeurs et producteurs courageux pour qui le cinéma est un Art avant d'être une industrie perdront le relais naturel de nos salles et ils disparaîtront.
Les salles indépendantes Art & Essai sont le poumon du cinéma français
Choisir d'aller voir les films dans les salles Art & Essai indépendantes, c'est choisir de faire exister le cinéma Art & Essai de demain celui que vous aimez et qui place sa confiance en vous ; le cinéma qui n'a pas spécialement besoin de pop-corn pour faire avaler le goût fade des films fabriqués en série. Il y aura de nouveaux Poirier, Guédiguian, Assayas, Cedric Kahn, Rouän, Ferreira-Barbosa ou Larrieu... demain, si vous fréquentez et donc soutenez les salles indépendantes Art & Essai.
Les salles indépendantes Art & Essai sont les garanties de la diversité culturelle
TENTATIVE DE DÉFINITION D'UN CINÉMA INDÉPENDANT:C'est un cinéma qui choisit ses films ; il projette les essais, les films qui ont un intérêt esthétique ou sociologique, les films des cinématographies étrangères laissées pour compte par les circuits.
Il pratique une politique de communication régulière et de formation du spectateur par ses publications, l'affichage des critiques, son travail avec des partenariats culturels variés ; associations, centres sociaux, théâtres, universités, écoles & lycées, conservatoires, écoles des beaux-arts, MJC...etc. et au travers des dispositifs d'éducation des jeunes spectateurs: École et Cinéma, Collège au Cinéma, Lycéens au cinéma.
Il organise des animations dans son cinéma: débats avec réalisateurs, scénaristes et acteurs ou présence régulière des animateurs de la salle pour un véritable échange avec les cinéphiles.
Il met en œuvre une réelle politique de tarifs afin de favoriser la fidélisation de ses spectateurs.
Bref, il entretient avec ses spectateurs une réelle histoire d'amour. Il y a là un respect réciproque; une confiance des spectateurs dans les films proposés, une confiance de la salle dans la curiosité et la fidélité des spectateurs.
De la vie des films-De l'envie des cinéphiles-De la place de la critique-De la publicité et de la médiatisation.
-> Les films ne naissent pas et ne vivent pas tous égaux. Certains films bénéficient de budgets de production énormes. D'autres ont du mal à joindre les deux bouts et ne peuvent compter que sur le travail des salles pour leur promotion et de l'appui de quelques médias: Télérama, Le Monde, Libération, Les Inrocks... Médias indispensables au soutien des films Art & Essai. Pour autant ils ne réussissent pas sur ces films qu'ils soutiennent positivement à susciter un réel désir de les fréquenter. La curiosité est devenue frileuse, c'est pourtant une indispensable qualité pour le cinéphyle.
-> Il est vrai que 676 films ont été distribués en 2006, dont environ 80 rééditions. Cela signifie que 10 à 16 films nouveaux sortent chaque mercredi. Un vrai casse tête pour le spectateur !Certains films tels
Arthur et les minimoys ou
Les bronzés 3, Pirates des Caraïbes 2 ont bénéficiés de plus de 900 copies quand
Changement d'adresse se contente de 79 copies,
Bamako: 68,
Avril: 88 copies,
Ils ne mouraient pas tous : 10...
Les films les plus chers ne sont pas forcement les plus rentables en salle; En 2006,
je vous trouve très beau: un coût de 666 millions d'euros, 306 copies a eu le taux d'amortissement le plus élevé en salle (162,49%) avec 3 530 000 spectateurs.
Les 17 meilleurs premiers résultats ont totalisé 66 000 000 d'entrées dont 10 350 000 pour
Les Bronzés 3 .
On trouve ensuite 22 films qui ont engrangé de 1 à 2 millions d'euros, 53 de 500 000 à 1 million, 43 de 300 000 à 500 000, 26 films de 200 000 à 300 000 entrées 48 de 100 000 à 200 000, 51 de 50 000 à 100 000 entrées... et 124 de 5 000 à 20 000 et 96 de moins de 5000 entrées dont de nombreuses rééditions où souvent des films sortis sur 1 ou 2 copies pour la France.
Quelques titres et entrées:Camping: 5 500 000; Marie-Antoinette: 1 200 000; Inside Man: 1 180 000; The Queen: 875 000; La tourneuse de page: 700 000; Little miss Sunshine: 1 100 000; Le chien jaune de Mongolie: 315 000; Lady Chatterley: 400 000 grâce à l'effet César; Les amitiés maléfiques: 55 000; Mon colonel: 31 000; Barakat: 15 000; Le silence des rizières: 1784.
-> La publicité des films gros porteurs installe les films dans les têtes des spectateurs avant même le premier tour de manivelle, ou pendant les tournages via les journeaux, les magazines, les revues spécialisées dans le cinéma, la télévision, la radio, l'informatique, dans les cinémas avec la bande annonce.
Dés que la date de sortie est fixée, campagnes d'affichage, participation des acteurs aux émissions de TV de Ardisson, Cauet, Fogiel ... journeaux télévisés.
-> La publicité des petits films (2 à 35 copies France) est souvent uniquement parisienne, de courte durée, peu ou pas de TV.
-> Nombreux sont les films qui ne sont médiatisés que par la critique.
-> La critique des grands médias s'occupe surtout des gros films leurs accordant des durées et des plages horaires importantes.
-> Les petits films ceux que montrent d'abord votre salle d'Art & d'Essai ne bénéficient souvent que de l'appui des critiques de journaux, critiques qui tombent toutes en même temps le mercredi ou autour du mercredi.
Et le cinéphile dans tout ça ? Il est aspiré par la rapidité et la pléthore de films qui sortent. Quand il achète et lit Télérama, Libé, Le Monde ou les Inrockuptibles; journaux indépendants qui paginent selon l'importance qu'ils accordent aux films, le cinéphile ne comprend pas que tel film qui bénéficie d'une page complète dans Le Monde ne sorte pas dans sa ville. Or le film en question n'a peut-être que 2 copies France, ce qu'ignore le cinéphile.
LA VIE D'UN FILM
La rémunération du cinéma passe par le partage de la recette finale acquittée par le spectateur au travers de l'achat d'une place de cinéma.
- La part de l'exploitation: Sert à couvrir tous les frais d'une salle de cinéma (loyer, salaires, matériel, animation et promotion, maintenance etc.)
- La part de la distribution: Correspond aux frais de sortie du film (tirage et circulation des copies, publicité). À titre d'exemple, le sous-titrage laser d'un film coûte 1300€ par copie.
- La part de la production: Paye la fabrication du film; elle est partagée entre le producteur et les ayants-droits.
- La TSA: (Taxe Spéciale Additionnelle) incluse dans le prix du billet alimente un compte de soutient financier, géré par le CNC, qui sert à aider le cinéma; les aides publiques et subventions versées (avance sur recette, aides à la distribution, à la rénovation des salles) ne sont en effet pas financées par le contribuable mais par le spectateur.
- La SACEM: (Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique) reverse sa part aux auteurs.
- La TVA
C'est donc grâce à cette répartition que l'économie du cinéma peut exister; Les ventes de confiseries, de boissons ou de jeux vidéos ne participent pas à cette économie générale du cinéma. Elle rapporte uniquement aux salles qui en vendent.
À PROPOS DU PRIX DES PLACES
Le grief fait par nombre de spectateurs est que le cinéma coûte cher. Ce n'est jamais le cas quand les cinéphiles fréquentent les salles d'Art & d'Essai indépendantes qui depuis toujours pratiquent une politique de fidélisation avec des prix d'entrée très doux. C'est grâce à votre fidélité aux salles d'Art & d'Essai que celles-ci peuvent vous proposer des prix d'entrée aussi abordables.
Par ailleurs une étude récente révèle que le prix de la place de cinéma en France a suivi la courbe de l'inflation depuis 15 ans. Inutile de préciser que les salles Art & Essai sont au dessous de cette courbe.
Pour que le cinéma indépendant que vous aimez existe encore dans cinq, dix, vingt ans
Pour que l'identité cinématographique de chaque nation s'affirme,
Pour que les jeunes spectateurs qui ne fréquentent que les multiplexes puissent avoir envie d'un autre cinéma à 15, 20 ou 25 ans,
Pou que le cinéma ne soit pas un simple espace de consommation mais un lieu de plaisir et de convivialité grâce aux films, à eux seuls et seulement grâce à eux...
Prenez le chemin des Cinémas Indépendants pour que le cinéma que vous aimez continue à vivre.
Le tract se termine par la déclaration de Pascal Jerran aux Césars 2007.
Avec le recul, on sait aujourd'hui ce que les politiques pensent et font de la culture: Ils se torchent le qqqu avec avant de la jeter aux chiottes. Ils ne reste donc plus que nous les citoyens pour agir, et dans ce cas comme bien souvent, la force la plus efficace reste encore le refus. C'est ce que je me suis efforcé de faire pendant toute cette année passée à Nancy. Refuser de fréquenter d'autres salle que le "Caméo"; Refuser de prendre la carte UGC pourtant valide aussi dans ce cinéma; Et c'est vrai que le refus a un prix, celui d'accepter de payer un abonnement "Caméo" un peu plus cher (50€ pour 10 séances), mais ce serait une illusion de croire que l'on peut soutenir l'Art et la Culture sans l'effort non seulement financier mais aussi de temps et parfois de déplacement.
Malgré tout je ne regrette rien. Le sacrifice a été largement compensé par la qualité. De plus à force de fréquenter toujours le même cinéma, j'y ai fait des rencontres avec d'autres cinéphiles comme moi fidèle à leur salle et convaincu par la différence. Et tant pis si nous sommes passés à côté de quelques BIG-SCHOW US, les "The Bubble, Buenos Aires 1977, Hanna et ses sœurs, Cartouches gauloises, Dans Paris et les Chansons d'Amours et autres compensent largement ce déficit.
Voilà, ne me reste plus qu'à vous encourager dans l'effort de l'acte civile, le seul qui vaille, celui de refuser la crétinisation de la culture.
Parce que au final il en va de la culture comme des Dieux, ils cessent d'exister quand les Hommes arrêtent d'y croire.